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Kecak...tchaca tchaca tchac
4 octobre 2006, Ubud
Ce soir, nous profitons de notre presence a Ubud, proclamee
"capitale culturelle" de Bali, pour aller voir un des nombreux
spectacles de danse ou musique traditionnelles proposes chaque
jour. Pour des neophytes comme nous, il est difficile de s’y
retrouver entre les barongs, legongs, kecaks et autres Ramayana
dances qui nous sont vantes par leurs rabatteurs respectifs.
C’est donc sur la seule foi des affiches et de la description
de notre guide que nous nous sommes decides pour la "kecak
fire and trance dance". Nous sommes un peu perplexes car tous
les vendeurs de rue qui proposent ce spectacle accompagnent
leur geste de nous fourrer un ticket entre les mains d’une
sorte de claquement de bouche rythme formant les sons "kecak
(qui se prononce ici ketchac) tchaca tchaca tchac !". Essayant
d’eviter les spectacles trop formates et leches concus pour
les touristes, nous avons jete notre devolu sur le Kecak
propose dans un petit temple d’allure modeste, cache dans une
ruelle partant de la rue principale. Nous sommes accueillis de
maniere fort sympathique par l’offrande d’une fleur que l’on
nous coince derriere l’oreille (pour les femmes comme pour les
hommes, d’ailleurs, pas de jaloux !). Nous penetrons alors
dans l’enceinte du temple ou quelques rangees de chaises ont
ete installees, charmant avec son autel de pierre illumine et
un second autel central ou brulent des dizaines de bougies et
de batonnets d’encens. Nous apprenons par le prospectus
distribue a l’entree que le spectacle propose ce soir est joue
par les habitants du quartier jouxtant le temple et que les
140 familles qui constituent cette communaute, equivalent
urbain du village d’autrefois, participent toutes de pres ou
de loin a sa realisation.
L’originalite du kecak reside dans le fait qu’il n’y a pas d’orchestre pour accompagner les danses mais uniquement un choeur, exclusivement masculin, compose d’une centaine d’hommes assis en cercles concentriques autour du cercle central, contenant l’autel, ou vont evoluer les danseurs. L’histoire est basee sur un extrait du Ramayana, l’epopee mythique hindoue, equivalent asiatique de notre Iliade ou notre Odyssee. Pour vous faire la version courte (la
longue ferait 12 pages), il s’agit d’une sombre histoire de
mechant demon enlevant l’innocente et pure fiancee d’un beau
prince, Rama (d’ou le nom Ramayana), ce dernier se battant
bien sur courageusement pour la delivrer, aide du bienveillant
Roi des Singes et du Garuda, l’oiseau mythique indonesien. Apres la benediction rituelle de l’autel central par un pretre, une centaine d’hommes, torses nus, vetus de simples sarongs tous identiques autour de la taille et arborant une fleur rouge d’hibiscus derriere l’oreille, penetrent dans le temple et s’asseyent en cercles. Le spectacle peut commencer et nous allons vite comprendre le sens des "tchaca tchaca tchac" prononces par les vendeurs de billets ! En effet, les hommes chantent pour accompagner l’un d’entre eux qui declame d’un ton plaintif les recitatifs permettant d’expliciter la
scene et soudain, a l’arrivee des danseurs, se lancent dans de
bruyants cris scandes et rythmes de "tchaca tchaca tchac" tout
en ondulant bras leves et parfaitement en rythme, se penchant
tous dans le meme sens au meme moment. Les danseurs, vetus de
superbes costumes pour les humains et d’enormes masques et
costumes imitant les poils pour les demons et animaux, miment
les scenes avec de gracieux mouvements de bras, de mains et
meme de doigts, tellement arques qu’on les dirait en caoutchouc. Les batailles entre bons et mechants sont impressionnantes, les uns et les autres bondissant en tous sens en faisant mine de s’attaquer, accompagnes par le choeur des hommes ponctuant les moments importants de cris de tchaca tchac ou de mouvements simultanes, tous se levant en meme temps pour proteger et cacher la fuite de la princesse ou ondulant de plus en plus vite lors des batailles. Le tout est tres impressionnant et nous ne nous ennuyons pas une seconde !
Cette premiere partie du spectacle (je vous rassure, tout se termine bien et le prince retrouve sa princesse, etonnant non ?) est suivie par une danse de transe. Un homme est seul en scene, acoompagne seulement d’une tete de cheval en bois, et les chants rythmes du choeur d’hommes doivent l’aider a entrer en transe. Un feu d’ecorces de noix de coco a ete prepare au centre du temple et finit de se consumer. Apres quelques mouvements saccades, chevauchant son ’cheval’ aux 4 coins du temple et se preparant a la suite, l’homme shoote alors a pleins pieds dans les braises, dispersant des eclairs de feu tout autour, et continue a danser sur les braises ainsi repandues. Plusieurs fois de suite, des assistants rassemblent les braises au centre et l’homme reprend son rituel. Ce spectacle est extremement impressionnant mais me met un peu mal a l’aise. J’ai du mal a distinguer le vrai rituel religieux d’une attraction concue pour les touristes en mal de sensations fortes... Une fois la ’danse’ finie, l’homme s’assied et reprend peu a peu ses esprits, saluant les spectateurs avec un grand sourire en exhibant la plante de ses pieds noircie. Tous les participants du choeur se levent alors pour saluer et l’un d’eux nous remercie pour notre presence ce soir. C’est plutot nous qui aurions envie de les remercier pour nous avoir fait ainsi partager un des rituels de leur communaute !
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