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Fumee matinale
Mardi 8 Mai, San Pedro de Atacama
Leves un peu avant 4 heures, nous sortons dans la nuit noire sous un ciel parfaitement degage et etoile. Notre minibus ne tarde pas a arriver, deja rempli de touristes a l’air aussi peu reveille que nous. Nous nous serions rendormis avec plaisir pendant les deux heures et demi de trajet qui doivent nous mener au plateau du Tatio mais la route est si mauvaise, succession de ravins, de nids de poule et de virages, que les cahots nous reveillent inexorablement. Arrives a l’entree du parc national, nous sortons enfin de voiture et apercevons au loin le plateau avec un spectacle incroyable : sous le ciel qui commence tout juste a s’eclaircir, nous distinguons des dizaines de geysers au loin, envoyant de hauts panaches de fumee dans l’atmosphere. Notre chauffeur reprend la route pour se garer juste a cote des premiers geyser et pour nous preparer le petit dejeuner. Nous ne pensons pas vraiment a manger, fascines par l’incroyable paysage qui nous entoure. Le sol est crible de trous et de fissures d’ou sortent a intervalle regulier des jets d’eau bouillante qui se vaporisent dans l’atmosphere froide du petit matin. Certains geysers soufflent de maniere continue, d’autres sont irreguliers, s’arretant et donnant une fausse impression de calme avant de reprendre de plus belle. Nous avalons une gobelet de the brulant pour nous rechauffer un peu, l’air est glacial a moins dix degres sur ce plateau a 4400 metres alors que le soleil n’est pas encore leve. Informes par notre guide des precautions d’usage (mieux vaut ne pas tomber dans les trous des geysers sous peine d’etre roti vivant immediatement), nous partons ensuite nous promener librement dans les environs. Le contraste est etonnant entre les flaques d’eau au sol, encore gelees, et ces panaches de fumee bouillante qui jaillissent un peu plus loin. Le soleil commence a se lever et le paysage se colore de nuances de rose et orange au fur et a mesure de sa progression. Il nous faut profiter vite du paysage, dans quelques heures l’atmosphere se sera rechauffee avec le soleil et ne condensera plus la vapeur d’eau sortie des geysers, la rendant invisible et faisant disparaitre ce phenomene etrange reserve aux leve tot ! Nous contemplons les trous dans le sol qui bouillonnent tranquillement a grosses bulles et les differents geysers qui s’elevent dans le ciel telles les fusees d’un feu d’artifice. Au loin, une etrange machine aux tuyaux de metal rouille tranquillement dans le desert. Il s’agit d’un materiel de pointe installe ici pour demineraliser l’eau bouillante sortie du sol dans le but de la canaliser et d’utiliser l’energie ainsi produite. Helas, la pauvre machine n’a pas ete concue pour une eau aussi chargee en mineraux et son filtre ne resistait pas longtemps dans de telles conditions, ce qui a conduit a son abandon. Les geysers du Tatio peuvent ainsi cracher tranquillement, loin (pour l’instant) de toute presence humaine.
Nous serions bien restes ici encore longtemps malgre le froid extreme mais il est deja temps de poursuivre l’excursion vers d’autres geysers situes un peu plus loin. Au nombre de trois, ils sont plus impressionnants, crachant a des centaines de metres dans l’atmosphere. Je les trouve cependant moins fascinants, preferant contempler au loin l’etrange ensemble des geysers dont nous venons avec ses dizaines de panaches irreguliers et aleatoires. Il est l’heure pour les courageux de profiter d’un bon bain gratuit. En effet, une piscine thermale a ete construite a l’emplacement d’une source bouillante, permettant de profiter d’un improbable bain en plein air a 4400 metres. J’ai trop froid pour oser ne serait-ce qu’imaginer enlever mes 4 couches de vetements chauds mais Thibaut se jette a l’eau, au propre comme au figure, et barbote tranquillement dans la piscine. Il est une fois de plus deja l’heure de repartir, nous n’avons pas vu passer le temps et n’avons pas envie de quitter deja ces paysages magnifiques de l’altiplano. Heureusement, un dernier arret est prevu dans un extraordinaire petit village, Machuca, situe au milieu de nulle part sur ce plateau d’altitude. Vu d’en haut, on dirait un village de poupees, aux impeccables petites maisons de terre et de paille rangees bien serrees autour d’une adorable eglise. La rue centrale est bordee de maisons quasi toutes identiques, petits cubes d’adobe, toit d’herbe sechee surmonte d’une croix entouree de rubans. Nous grimpons jusqu’a l’eglise, le souffle coupe par le manque d’air et sommes accueillis par deux chats montagnards au poil si epais qu’il doit leur permettre de surmonter le froid. J’emporterais bien le petit chaton qui vient se frotter a mes jambes mais ne suis pas sure qu’il apprecierait le voyage dans un sac a dos. L’eglise est toute simple mais pleine de charme et de son esplanade nous avons une belle vue sur les environs, paysage mineral et hostile.
Nous sommes de retour au village vers midi et passons l’apres midi tranquillement, epuises par tant de decouvertes et notre reveil matinal. Nous trouvons enfin le distributeur automatique mentionne sur les plans mais bien cache sans la moindre enseigne et reconstituons notre reserve de pesos. Cela veut dire que nous pourrons rester ici encore quelques jours et me voila enchantee a cette idee, moi qui n’avais pas envie de quitter deja cet endroit extraordinaire. Le soir, nous dinons avec Elizabetta et Tanguy, nos voisins d’hotel, et echangeons nos impressions sur le Chili et les pays voisins. Ce soir, mieux vaut se coucher tot, demain nous repartons pour une longue journee d’excursion que nous esperons aussi belle que celle d’aujourd’hui.
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