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Le Far West existe encore

16 Juin 2005


Il suffit de sortir de Nouméa et de ses proches banlieues pour comprendre pourquoi le reste de l’île est appelée la brousse par ses habitants. Au fur et à mesure que l’on file vers le nord par la route côtière, le paysage devient de plus en plus désolé et les villages se raréfient. Ce sont les paysages de savane typiques de la côte ouest, la côte sèche car les alizés restent bloqués de l’autre côté des montagnes : grandes étendues d’herbe vallonnées, niaoulis (une sorte d’eucalyptus local typique de la Nouvelle Calédonie) et rares arbustes desséchés et de temps en temps, dans les zones un peu plus humides, quelques troupeaux de vaches. Dépaysement oblige, celles-ci paissent sous les palmiers : ça change de la Normandie !

Nous voici bientôt à Bourail, 2e ville du pays à 150 km au nord de Nouméa... et 5000 habitants ! Ah, c’est sûr, ce n’est pas ici que l’on va être dérangé par la foule. Le terme "ville" me semble un peu usurpé : une rue principale, un hôtel restaurant au bord de la nationale, deux ou trois épiceries, une station service, une petite église et hop, nous voici déjà sortis du village... euh, n’aurait on pas raté quelque chose là ?


Bon, l’avantage avec les pays déserts c’est qu’on peut profiter de la plage en paix. A dégoûter à tout jamais tout habitant de La Grande Motte ou de Palavas les Flots ! Imaginez 15 kilomètres de plage de sable blanc immaculé, posée le long d’un lagon turquoise et translucide avec les vagues qui viennent se briser au loin sur la barrière de corail... et pas un chat. Je vous assure que quand on n’est pas habitué ça fait un choc : mais où sont ils donc tous passés ?!!

Les choses ne vont pas s’arranger en remontant vers le nord puisque les paysages se font de plus en plus désolés. C’est le royaume des broussards, ces fermiers caldoches propriétaires d’immenses "stations" d’élevage. Mieux vaut ne pas se rater pour prévoir son étape du soir ou son ravitaillement en carburant, au point que la carte routière de Nouvelle Calédonie mentionne les lieux où l’on peut trouver des stations services, des hôtels ou des restaurants.

200 km plus au Nord, après avoir croisé un ou deux villages, quelques troupeaux de vaches et au moins dix voitures, voici Koumac. Cette fois, on s’attend vraiment à croiser des cow boys sortant du saloon ou à assister à un duel au pistolet dans la rue principale. Mais à Koumac un samedi matin, l’attraction est ailleurs : tout le village et tous les habitants des environs à 50 kilomètres à la ronde se sont rassemblés Chez Nino pour faire leurs courses.


"Chez Nino" ce sont tout d’abord les 3 ou 4 enseignes de 3 mètres de haut qui font que vous ne pouvez pas rater l’endroit : "Chez Nino - magasin et annexes". A l’intérieur, c’est un amoncellement des marchandises les plus hétéroclites entassées jusqu’au plafond dans un magasin qui a la surface d’une petite épicerie de quartier chez nous, le tout ponctué d’affichettes de carton jaune ou rose fluo vantant les promotions en cours. Ainsi vous y trouvez : du champagne "de France" en promotion - "Nino petit mais costaud" ; une tronçonneuse suspendue au plafond - "à un prix jamais vu par ici" ; un rayonnage de télévisions - "au même prix que chez Darty à Nouméa, ça c’est Nino" ; des appareils photos jetables - "n’oubliez pas de réclamer votre développement gratuit comme à Nouméa, Nino se charge des frais postaux" ; des barils de lessive - "c’est toujours à prix cadeau chez Nino" ; mais aussi, des matelas de plage, un barbecue, des pneus pour la voiture, des croquettes pour le chat, des livres de coloriage pour enfants, des médailles et coupes pour vos compétitions sportives, le tout couvert d’une épaisse couche de poussière, parce que même à prix Nino, on ne doit pas crouler sous la clientèle dans le coin. J’y ai même croisé un Kanak comparant attentivement des machettes avant de faire son choix... oups ! C’est aussi dans des coins comme celui-là que vous avez le plus de chance d’entendre l’accent typiquement calédonien, celui qui fait que les enfants sont partis en "Frônce" pour les vacances et celui avec lequel on se dit "Bânjour toun monde (transcription phonétique), comment il est ?" tous les matins.


Heureusement dans ce "désert", les paysages restent variés et la lumière est superbe. On y croise de temps à autre les ruines d’un ancien bagne installé ici par l’Administration Pénitentiaire (photo dans le paragraphe ci-dessus) (la Nouvelle Calédonie fut entre autres peuplée par les descendants des bagnards déportés sur l’île au XIXe siècle), un estuaire de rivière se jetant nonchalamment dans l’océan (photo ci contre) ou un arbre solitaire résistant vaillamment au vent.


Et puis, je ne me lasse pas des plages et de leurs étendues bleues brillant au soleil, surtout quand le spectacle s’accompagne de la nage des raies mantas, énormes monstres aquatiques de 2 ou 3 mètres d’envergure, planant gracieusement à la surface de l’eau en nous saluant d’un bout de nageoire. (photo ci dessous - sans les raies car un peu trop difficiles à prendre en photo). Autre paysage typique, la mangrove, bord de mer marécageux tantôt inondé, tantôt au sec, avec ses palétuviers dont les racines prennent l’air à marée basse et qui abritent huîtres et crabes dont on peut se régaler.


Pour vous donner une petite idée du "désert" dont je parle, 2 photos : la route qui mène à la Pointe Nord de l’île (ci contre) et enfin Poum (véridique), le village le plus septentrional(ci dessous) avec sa mairie bien française à l’ombre des palmiers (rassurez-vous, le village dispose aussi d’une gendarmerie à l’impeccable pelouse verte où flotte fièrement le drapeau tricolore).

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