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Incas vs Espagnols

Samedi 26 Mai, Cuzco

Après avoir une fois de plus admiré la ville depuis le promontoire à côté de notre hôtel, nous descendons tranquillement par les escaliers et les rues pavées jusqu’à la Place d’Armes, le coeur de la ville animé à toute heure. Nous allons ce matin visiter un des monuments symboles de Cuzco, l’église Santo Domingo, ex Temple du Soleil inca. Ayant trop rêvé devant Les Cités d’Or quand j’étais petite, je suis impatiente de découvrir de mes propres yeux ce qu’il reste de ce temple inca et de l’architecture si particulière de ce peuple. Hélas les espagnols n’ont eu de cesse, une fois l’empire inca conquis, de rayer toute trace de cette civilisation pourtant si brillante. Non contents de se livrer à un pillage en règle, volant les objets sculptés en or massif pour les fondre froidement et fournir ainsi l’Espagne en lingots, ils ont aussi rasé la plupart des temples et monuments importants. Devant la solidité des murs incas qui résistaient à leurs assauts et pour prouver encore un peu plus leur pouvoir, ils ont souvent, comme ici, construit leurs églises ou leurs demeures sur les fondations des anciennes constructions incas. De l’extérieur, l’église Santo Domingo présente donc un curieux mélange architectural où des murs incas impressionnants et massifs soutiennent la construction plus classique de l’église catholique dont le toit en tuiles rouges est parfaitement assorti au reste de la ville. Cela fait drôle de voir une majestueuse croix catholique ornée se détacher sur fond de mur inca et cela fournit un bon symbole de Cuzco, mélange de civilisation inca et de splendeur coloniale.

L’intérieur de l’église nous permet d’avoir un bon aperçu de la science des incas en matière de construction, bien que les Espagnols aient détruit la plus grande partie de l’ancien temple. Nous admirons ainsi quelques murs d’origine, toujours aussi monumentaux. Construits d’énormes blocs de pierre assemblés astucieusement pour être parfaitement jointifs, ces murs présentent la particularité de ne pas être verticaux mais légèrement penchés vers l’intérieur. De même, les portes et ouvertures sont systématiquement trapézoïdales plutôt que rectangulaires. Le tout était censé donner une impression de légereté et d’harmonie à ces constructions massives et il faut avouer que cela semble plutôt efficace. Nous essayons d’imaginer le temple lors de sa splendeur et sommes frappés par l’impression de grandeur que donne l’ensemble. A côté, les voûtes et arches coloniales rajoutées lors de la transformation en église font bien pâle figure. Quant aux objets religieux, calices, ostensoirs et autres accessoires de l’église, ils ont en commun d’être rutilants puisque fabriqués en or massif et ornés de pierres précieuses mais aussi très laids, comme si seule comptait leur valeur marchande plus que les critères esthétiques. C’était bien la peine de voler tant d’or et d’objets d’art aux Incas si c’était pour en faire des objets aussi inintéressants ! Je ne peux m’empêcher d’éprouver de la colère à la pensée de cette civilisation si avancée dont nous ne savons maintenant quasi plus rien et de sa destruction voulue et calculée par les colonisateurs.

Nous admirons le symbole du génie des incas, cette pierre aux multiples angles (une douzaine !) pourtant parfaitement adaptée à ses voisines et formant un mur dans les interstices duquel on ne passerait pas une feuille de papier. Pour ceux qui sont fâchés avec la géométrie et la notion d’angles, imaginez tout simplement des blocs de pierre avec lesquels on construit un mur : chez nous, on les découpe en cubes bien droits et tous identiques, pour les empiler facilement, et bien chez les Incas, pas du tout. Au contraire, on choisit des blocs aux formes complètement biscornues (style Tetris au niveau expert ou vos legos les plus compliqués quand vous étiez enfants) et on se débrouille pour tailler les pierres voisines afin qu’elles s’empilent sur et sous ces blocs. Après tout, les Incas étaient peut être cousins avec les Shadoks (ou alors ils étaient super doués à Tetris ?). Après cette longue visite, puisque nous avons pris plaisir à flâner dans cette église et à détailler ces magnifiques constructions, nous profitons encore un peu des jardins en pente situés autour de l’édifice et offrant une magnifique vue sur la ville. Il est alors temps d’aller déjeuner et nous joignons l’utile à l’agréable en partant à la découverte du quartier de San Blas.

Ce quartier, situé sur une autre des collines qui entourent la ville, est formé d’un enchevêtrement de petites ruelles en pente abritant de belles demeures coloniales toutes blanches aux balcons sculptés. Bien que devenu très touristique, les vieilles maisons abritant des boutiques d’artisanat ou de cartes postales et les vendeurs de rue se faisant un peu collants, ce quartier a gardé son charme et nous avons plaisir à nous y balader. Nous nous offrons une boucle inédite loin des circuits touristiques habituels en poursuivant des rues à flanc de colline pour regagner notre hôtel sans passer par la Place d’Armes et donc sans redescendre pour mieux remonter. Et oui, quand on est à 3400 mètres d’altitude, le souffle se fait court et mieux vaut éviter les grimpettes inutiles ! Nous sommes surpris de croiser une patrouille de la "police touristique" lors de notre balade : apparemment les autorités ont très à coeur la sécurité de leurs visiteurs puisque des policiers spécialisés veillent sur nous dans toute la ville et que le plan distribué par l’office de tourisme comporte de nombreuses recommandations à l’égard des étrangers. Nous nous sentons pourtant très en sécurité ici, peut être est-ce justement l’effet de tout le travail préventif effectué par la municipalité. Nous réussissons même à ne pas nous perdre et à arriver sur le parvis de l’église qui surplombe notre hôtel. Nous passons un moment agréable à flâner au soleil, contemplant la ville à nos pieds et les dames en costumes traditionnels accompagnées de leurs enfants et de leurs lamas bien pomponnés qui monnaient des photos souvenirs avec les touristes. Décidément, Cuzco est une ville bien agréable, alliant découvertes culturelles et quartiers animés où il fait bon se promener.

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