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Les mamies du marche

Jeudi 23 Novembre, Lijiang

Malgre un premier reveil plus que matinal au son du clairon (y-a-t-il une caserne pas loin ?) et un second cette fois du aux cris des chinois proprietaires de l’hotel, nous reussissons a faire la sourde oreille et a nous accorder un semblant de grasse matinee. C’est chose difficile en Chine car les habitants sont naturellement bruyants, sans meme se poser la question de savoir si cela peut deranger quelqu’un : ici il est normal de claquer la porte si elle ferme mal, meme en pleine nuit, de s’interpeler en criant d’une chambre a l’autre et surtout les conversations sont toujours tres sonores, au debut nous pensions que les gens se disputaient mais non, ils ne font que converser a voix forte. Une fois englouti un bon petit dejeuner prepare par la charmante proprietaire de la gesthouse ou nous logeons, nous sommes prets pour partir a la decouverte de la ville que nous n’avons fait qu’entrapercevoir hier soir.

Lijiang tient ses promesses et sous la lumiere du jour, malgre le ciel couvert, la ville est superbe. Les vieilles maisons sont parfaitement preservees, tout en bois avec des portes et fenetres sculptees et des toits recourbes couverts d’ardoise. Cela n’a rien a voir avec aucune des villes que nous connaissons en Europe ou ailleurs et nous nous emerveillons devant ce spectacle d’une ville si ancienne. Les ruelles tortueuses sont entrecoupees de canaux ou les habitants s’affairent : selon les endroits, certains y font la lessive ou nettoient les legumes pour le dejeuner. L’eau descendue des montagnes toutes proches, dont certaines culminent a plus de 5000 m, est censee etre particulierement pure et claire. Nous nous promenons un peu au hasard, contents de constater que malgre l’invasion touristique qui frappe la ville, Lijiang a su garder son caractere authentique. Bien sur, la majorite des vieilles maisons ont ete transformees en boutiques ou restaurants et les touristes se pressent dans les rues etroites mais la ville reste vivante et agreable, partout les habitants vaquent a leurs occupations comme si de rien n’etait. Comme la plupart des touristes sont des chinois en groupes de voyages organises, ils se concentrent aux memes endroits aux memes heures et il suffit de prendre une ruelle un peu isolee pour se retrouver seuls au monde.

Nous flanons un peu au hasard a la recherche du marche, cense offrir un beau spectacle, nous guidant en partant en sens inverse des passants charges de sacs et de legumes. La methode est efficace puisque nous arrivons bientot sur la place du marche, immense et anime. Nous n’en croyons pas nos yeux : comment, dans une ville aussi touristique, un marche comme celui-ci peut-il continuer a exister, justement sans le moindre touriste a l’horizon ? Il faut croire que les chinois ne s’interessent pas a ce genre de spectacles, preferant la visite des monuments celebres (ou de bons restaurants). Quant a nous, nous restons bouche bee devant le spectacle qui s’offre sous nos yeux : partout des stands colores, des specialites etranges et surtout les habitants de Lijiang, principalement les vieilles dames portant le costume traditionnel. C’est qu’elles ont fiere allure, ces mamies en veste bleue et tablier blanc, avec un rembourrage noue dans le dos permettant de porter plus aisement la grande hotte de bois qui leur sert a stocker leurs provisions, visage burine et ride sous leur casquette bleue elle aussi enfoncee jusqu’aux yeux. J’essaye de prendre des photos le plus discretement possible, ne voulant pas deranger en jouant les touristes. Les etalages croulent sous les legumes de la region, tous frais et appetissants, bien ranges sur des tables ou transportes par des mamies - vendeuses sur leur bicyclette tirant une petite charrette. Sous la halle centrale sont etendus des kilos de pommes de terre etales par terre sous la garde de leur vendeur. Un peu plus loin, ce sont les etalages de nouilles fraiches de toutes sortes, farine de riz ou de ble, fines ou plus larges, souples ou rigides, les echevaux s’amoncellent. Nous croisons aussi des stands de tofu ou autre specialite approchante, pates d’epices diverses conservees dans de grands seaux ou racines et champignons de toutes sortes. Dans un des petits restaurants qui bordent la place, deux malheureux canards, fraichement laques, pendent accroches par le cou a un crochet, tandis qu’ailleurs ce sont de grandes marmites fumantes de soupes ou ragouts qui mijotent sur des petits braseros au charbon. D’ailleurs le livreur de charbon, lui aussi a velo, arpente les rues avec son chargement de briquettes pretes a etre livrees. Nous traversons rapidement le rayon viande, dont je crains qu’il ne me coupe l’appetit vu la propension des chinois a manger tout et n’importe quoi, et passons a cote des poissons conserves vivants dans de grands seaux avant d’etre tues et vides selon la demande des clients. Ici on a trouve comment pallier a l’absence de frigo ! Nous avons gagne le coin des animaux vivants, seul endroit du marche ou les hommes predominent... l’achat des betes serait-il une affaire serieuse ? Tandis qu’un porcelet soigneusement examine par son acheteur se fait emballer sans plus de manieres (mais avec quelques cris) dans un grand sac de jute, ses petits freres attendent sagement, bien alignes dans un grand couffin de paille tressee. Dans une autree allee, il y a aussi les rayons quincaillerie, vetements, la couturiere reparant vetements ou chaussures sur son petit stand muni d’une machine a coudre, le pilon mecanique broyant inlassablement des seaux de piments et surtout l’animation du marche en cette fin de matinee. Femmes portant leur bebe attache dans un linge sur le dos, mamies papotant ou stockant leur achats dans leur hotte, vendeuses s’interpellant ou conversant avec leurs clients, joueurs de cartes passiones par leur partie, velos, charrettes, enfants, tous s’entrecroisent et nous ne nous lassons pas de les contempler.

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